Parallèlement

    Les enfants des rayons ardents ne croiront jamais mon histoire. Guère de livre, guère de transmission orale perpétuelle entre générations, et guère d’apprentissage pour ces visions du monde englouti dans un vortex quand l’envie inconsciente monte — quand mes pieds sont dans la rigole désespérante du jour sans fin. Du tourbillon est expulsée une lumière éblouissante et détonante ; il faut y plonger, forcer l’âme et le pas. J’arrive alors ailleurs, loin de l’espace, loin du temps, loin de cet hideux morceau de chair à l’ancre lourde. Ce n’est pas un rêve, ni un cauchemar, ni une divagation. Non !, c’est tout autre chose : une fenêtre opaque à travers laquelle mes yeux percent deux petits trous et entrevoient quelque chose derrière les mythes inconnus, les âmes vagabondes, les ancêtres dans le mouvement de leur vie. Je les côtoie, ces êtres grandioses et pleins de pensées fabuleuses ; on croirait une mer de coquelicots soufflée délicatement par l’Éternité. Je m’assieds avec eux. Et autour d’un savoureux bock nous discutons, refaisons le monde ; ensemble, nous lançons des vers dont les ondes perturbent l’atmosphère. Un autre bock ! Les génies veulent parler, et les créatures divines n’auront qu’à écouter leur genèse. Homère bientôt lèvera le verre et la voix pour conter l’Odyssée nouvelle. Le festin est à la mesure des célébrations dantesques que les peuplades vikings offraient à leurs seigneurs de retour de terres inconnues. Les sciences sociales disparaissent et les fois pulvérisées pleuvent sur nos têtes. Point d’ennui, enfin ! — Seigneur, l’ennui : c’est la mort dans les larmes de l’âme. Point de guerre. Ou si guerre, c’est la bataille des Dieux et des Hommes, celle de l’humanité tout entière à travers une métaphysique brute et sauvage, au milieu des champs de printemps. Mais même encore, c’est la sagesse de l’esprit fort sur les épaules des peupliers, le vainqueur dans les chansons de geste. Et nous chantons fort et haut ! — d’un lyrisme idéal et parfait. À l’évidence, l’oracle n’avait pu rien prédire de tout ceci. Et les temps s’en trouvent changés jusqu’à moi.

 

Alclan

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